CH03 – Lutter contre le chômage : mécanismes, enjeux et politiques publiques
EconomieComprendre pourquoi le chômage persiste, comment il évolue et quelles politiques peuvent réellement le faire reculer. Un parcours simple, précis, avec des exemples récents et les notions clés du programme.
📖 Contenu du cours
Le chômage est un phénomène central dans toute économie
développée. Il reflète à la fois les déséquilibres du marché du travail, les
politiques économiques menées et les transformations sociales à l’œuvre.
Pourtant, le mot « chômage » paraît simple alors qu’il recouvre une réalité
complexe : tout dépend de la manière dont on le définit et le mesure.
Comprendre ce que recouvre précisément cette notion est la première étape avant
d’envisager les moyens de le combattre.
I. Définir le chômage : une question de
critères
Le chômage est défini au niveau international par le Bureau
International du Travail (BIT). Selon cette définition, une personne est
considérée comme chômeuse si elle remplit trois conditions :
a) ne pas
avoir travaillé durant la semaine de référence,
b) être
disponible pour travailler dans les deux semaines,
c) et
avoir entrepris des démarches actives de recherche d’emploi au cours des quatre
dernières semaines.
Cette définition, commune aux pays membres de l’OCDE,
permet d’assurer une comparabilité internationale.
Elle exclut cependant certaines situations. Par exemple,
une personne qui souhaiterait travailler mais a cessé ses recherches faute
d’espoir est considérée comme « inactive » et non comme chômeuse. De même, un
étudiant ou un retraité qui ne cherche pas d’emploi n’entre pas dans la
population active. Cela montre que le taux de chômage dépend autant de la
conjoncture économique que des comportements sociaux et des choix de
classification statistique.
En France, l’Insee utilise cette définition du BIT, tandis
que Pôle emploi publie des statistiques administratives fondées sur les
personnes inscrites dans ses fichiers. On distingue notamment les inscrits en
catégorie A (sans emploi, tenus de rechercher activement un travail) des
catégories B ou C (personnes ayant exercé une activité réduite). Ces chiffres
diffèrent de ceux du BIT car tous les chômeurs ne sont pas inscrits à Pôle
emploi et, inversement, certaines personnes inscrites peuvent être temporairement
en activité. Au Canada, Statistique Canada emploie la même définition
internationale mais publie également des données détaillées par province et par
tranche d’âge.
II. Les indicateurs de mesure du chômage et de
l’activité
Pour appréhender le fonctionnement du marché du travail,
plusieurs indicateurs sont utilisés. Le plus connu est le taux de chômage,
qui mesure la proportion de chômeurs au sein de la population active. Il se
calcule en rapportant le nombre de chômeurs au total des actifs (personnes
ayant un emploi ou en recherchant un). Cet indicateur permet de mesurer la
tension du marché du travail : plus il est élevé, plus le déséquilibre entre
l’offre et la demande de travail est important.
Le taux d’emploi indique la part des personnes en
emploi dans la population d’âge actif (généralement entre 15 et 64 ans). Il
mesure la capacité d’une économie à utiliser sa main-d’œuvre disponible. Enfin,
le taux d’activité rapporte la population active (occupés et chômeurs) à
l’ensemble de la population en âge de travailler. Ce dernier indicateur est
souvent influencé par des facteurs démographiques, culturels ou institutionnels
: par exemple, l’allongement des études ou le recul de l’âge de la retraite peuvent
modifier le taux d’activité indépendamment de la conjoncture économique.
Prenons un exemple. Sur 1 000 personnes âgées de 15 à 64
ans, si 650 travaillent, 50 recherchent un emploi et 300 ne sont pas actives
(études, retraite, inactivité choisie), alors le taux d’activité est de 70 %,
le taux d’emploi de 65 % et le taux de chômage de 7,1 %. Ces calculs montrent
que ces trois indicateurs sont complémentaires et doivent être lus ensemble
pour comprendre la réalité du marché du travail.
III. Les données récentes : une comparaison
internationale
En 2025, la France présente un taux de chômage de 7,5 %
selon l’Insee, un niveau qui reste supérieur à la moyenne européenne (environ 6
%). Le taux d’emploi, (proportion de la population en âge de travailler qui a
un emploi, calculée en divisant le nombre de personnes occupées par le nombre
total de personnes en âge de travailler) à 68,9 %, s’est néanmoins amélioré
depuis dix ans, notamment grâce à la progression de l’emploi féminin et au
recul du chômage des jeunes. Le Canada affiche un taux de chômage de 6,2 % à
l’automne 2024, mais avec de fortes disparités régionales : il est plus faible
au Québec (autour de 4,8 %) et plus élevé dans certaines provinces maritimes.
L’Allemagne, avec un chômage de 3,1 %, demeure l’un des pays les plus
performants de l’OCDE, tandis que l’Espagne, à près de 12 %, reste marquée par
un marché du travail très segmenté. Les États-Unis connaissent une situation
quasi de plein emploi, autour de 3,8 %, mais avec un recul du taux d’activité
des jeunes et des travailleurs peu qualifiés.
Ces comparaisons soulignent que le chômage ne dépend pas
seulement de la croissance économique mais aussi des institutions du marché du
travail, de la formation et des politiques publiques d’emploi. La France, par
exemple, affiche une croissance modérée mais un chômage structurellement
élevé, tandis que le Canada combine un taux d’activité élevé avec un
chômage relativement faible grâce à un marché plus flexible.
https://www.insee.fr/fr/statistiques/4805248
IV. Le sous-emploi : une réalité souvent
invisible
Le taux de chômage ne suffit pas à rendre compte de toutes
les difficultés d’insertion sur le marché du travail. De nombreuses personnes
occupent un emploi mais souhaiteraient travailler davantage. On parle alors de sous-emploi.
Ce concept inclut les personnes à temps partiel subi, les salariés en chômage
partiel ou ceux qui connaissent des périodes d’activité irrégulière. Il permet
de saisir la précarisation d’une partie croissante du salariat, en particulier
dans les services, la distribution ou l’hôtellerie-restauration.
En 2024, environ 5,3 % des personnes en emploi en France
sont en situation de sous-emploi, un chiffre qui touche particulièrement les
femmes et les jeunes. Au Canada, ce taux atteint 4,8 % selon Statistique
Canada, une légère hausse par rapport à la période pré-pandémique. Ces données
rappellent que la création d’emplois ne garantit pas nécessairement leur
qualité : un taux d’emploi élevé peut coexister avec une multiplication
d’emplois précaires, mal rémunérés ou à temps partiel.
V. Interpréter les chiffres du chômage :
prudence et perspective
Le chômage est donc un phénomène multidimensionnel. Il ne
se résume pas à un simple pourcentage : il reflète des réalités sociales, des
stratégies de politiques publiques et des comportements individuels. Deux pays
affichant un même taux de chômage peuvent avoir des marchés du travail très
différents selon la proportion d’emplois précaires, la durée moyenne du chômage
ou le taux de participation des femmes.
C’est pourquoi de plus en plus d’économistes insistent sur
la nécessité d’observer simultanément le taux de chômage, le taux d’emploi et
le taux d’activité pour comprendre la santé du marché du travail. En période de
croissance, le chômage peut diminuer tandis que le taux d’activité augmente,
signe d’une reprise solide. À l’inverse, un recul du chômage peut parfois
traduire un découragement des chercheurs d’emploi, qui de ce fait sortent des
statistiques du chômage, donc une hausse de l’inactivité.
A retenir
Le chômage correspond à la situation d’une personne active
sans emploi, disponible et en recherche active de travail. Il se distingue de
l’inactivité, qui regroupe les individus ne cherchant pas d’emploi, et du
sous-emploi, qui concerne les travailleurs souhaitant travailler davantage. Les
trois indicateurs clés — taux de chômage, taux d’emploi et taux d’activité —
offrent une lecture complémentaire du marché du travail. En 2024, la France
reste à un niveau de chômage supérieur à la moyenne de l’OCDE, tandis que le
Canada, l’Allemagne et les États-Unis affichent des taux plus faibles. Ces
écarts rappellent que le chômage n’est pas seulement un problème économique
mais aussi institutionnel et social.