CH03 – Lutter contre le chômage : mécanismes, enjeux et politiques publiques

Economie
Auteur inconnu — 15/11/2025 — 41 vues

Comprendre pourquoi le chômage persiste, comment il évolue et quelles politiques peuvent réellement le faire reculer. Un parcours simple, précis, avec des exemples récents et les notions clés du programme.

Ce module explore en profondeur les mécanismes du chômage et les réponses économiques possibles. On y voit comment les institutions du marché du travail (salaire minimum, règles de protection de l’emploi, négociations salariales) influencent le chômage structurel, comment les fluctuations économiques créent du chômage conjoncturel, et comment les politiques publiques tentent d’y répondre : soutien de la demande, baisse du coût du travail, formation, flexibilité… Chaque séance combine explications, données contemporaines, cas pratiques et entraînements pour maîtriser les notions incontournables du chapitre. 📖 Contenu du cours

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Le chômage n’est pas toujours le résultat d’un déséquilibre durable ou structurel du marché du travail. Il peut aussi être provoqué par les variations de la conjoncture économique, c’est-à-dire par les phases successives de croissance et de ralentissement que traverse une économie. On parle alors de chômage conjoncturel, un phénomène qui traduit le lien direct entre la production, la demande et l’emploi. Comprendre ce lien permet de mieux saisir le rôle des politiques économiques dans la stabilisation du marché du travail.

 

I. Le lien entre croissance et emploi : la logique du cycle économique

L’activité économique évolue selon un mouvement cyclique : elle alterne des phases d’expansion, de crise, de récession et de reprise. Pendant une phase d’expansion, la demande des ménages et des entreprises augmente, les entreprises produisent davantage, embauchent et investissent. Le chômage recule. À l’inverse, lorsqu’une économie entre en récession – c’est-à-dire que la production diminue pendant plusieurs trimestres –, les entreprises subissent une baisse de leurs ventes et réduisent leurs effectifs. Le chômage augmente alors, souvent plus vite que la baisse de la production elle-même.

Cette relation entre croissance et emploi a été mise en évidence par l’économiste britannique Arthur Okun dans les années 1960. Selon la « loi d’Okun », une croissance trop faible ne suffit pas à absorber la hausse de la population active : il faut un certain rythme minimal de croissance pour stabiliser ou réduire le chômage. En France, les économistes estiment qu’il faut environ 1,5 à 2 % de croissance annuelle pour que le chômage recule, un seuil qui varie selon la productivité et la démographie.

La crise financière de 2008 a illustré ce lien avec brutalité : lorsque le PIB mondial a chuté de près de 2 % en 2009, le chômage a bondi dans la plupart des pays développés, dépassant 10 % dans la zone euro. De même, la crise du Covid-19 a entraîné en 2020 un effondrement sans précédent de la production : le PIB français a reculé de 8 %, provoquant une explosion du chômage partiel et une perte massive d’heures travaillées, avant que les politiques de soutien ne permettent un redressement rapide dès 2021.

 

II. Le rôle de la demande globale dans la création d’emplois

L’emploi dépend fondamentalement du niveau de la demande globale, c’est-à-dire de la somme de la consommation, de l’investissement, des dépenses publiques et des exportations nettes. Lorsque la demande est forte, les entreprises produisent plus et recrutent. Lorsqu’elle faiblit, elles ajustent d’abord leur production, puis leurs effectifs. Ce mécanisme explique pourquoi le chômage conjoncturel est sensible aux variations du climat économique mondial.

L’économiste John Maynard Keynes a montré, dans les années 1930, que le chômage pouvait provenir d’une insuffisance de la demande globale. Selon lui, il ne suffit pas de laisser faire le marché : en période de crise, la peur de l’avenir pousse les ménages à épargner davantage et les entreprises à investir moins, ce qui entretient la récession. Il faut donc une intervention de l’État pour stimuler la demande, par la dépense publique ou la politique monétaire. C’est ce qu’on appelle une politique de relance keynésienne.

Ce raisonnement reste valable aujourd’hui. Après la crise du Covid, les gouvernements des pays développés ont massivement soutenu l’économie par des plans de relance et des politiques monétaires très accommodantes. Aux États-Unis, les plans Biden ont injecté plusieurs centaines de milliards de dollars dans les infrastructures et les ménages, ce qui a contribué à ramener le taux de chômage à environ 3,8 % en 2024. En Europe, les politiques de soutien budgétaire et le maintien de taux d’intérêt très bas par la Banque centrale européenne ont permis d’éviter une explosion du chômage malgré un ralentissement de la croissance.

 

III. Les effets différés des fluctuations économiques sur le chômage

Le marché du travail ne réagit pas immédiatement aux fluctuations de l’activité. En période de crise, les entreprises hésitent souvent à licencier trop vite, car elles savent que recruter et former du personnel coûte cher. Elles préfèrent d’abord réduire les heures supplémentaires, geler les embauches ou recourir à des dispositifs de chômage partiel. C’est pourquoi le chômage augmente souvent avec un léger décalage après la chute de la production.

De même, lors d’une reprise, les entreprises attendent de s’assurer que la croissance est durable avant d’embaucher de nouveau. On parle alors de retard de l’emploi sur la conjoncture. C’est ce décalage qui explique qu’après une crise, la production peut retrouver rapidement son niveau d’avant, tandis que le chômage met plusieurs années à refluer. En France, après la crise de 2008, la reprise de la production s’est amorcée dès 2010, mais le taux de chômage n’est redescendu sous les 8 % qu’en 2019, soit presque dix ans plus tard.

Ces effets différés sont accentués par les transformations structurelles de l’économie : automatisation, délocalisations, montée du numérique. Certaines destructions d’emplois conjoncturelles deviennent alors durables, car les secteurs en déclin ne recréent pas d’emplois au même rythme dans les nouvelles activités. En conséquence les chômage naturel augmente ou ne baisse pas. C’est ce que les économistes appellent parfois un « effet d’hystérèse » du chômage.

 

IV. Les politiques économiques face au chômage conjoncturel

Pour réduire le chômage conjoncturel, les pouvoirs publics disposent de deux grands leviers : la politique budgétaire et la politique monétaire. La première agit sur la demande globale par les dépenses publiques, les baisses d’impôts ou les aides aux ménages. En période de récession, l’État peut accroître son déficit pour relancer l’activité. C’est la logique du plan de relance de 2009 ou des mesures post-Covid de 2020-2021.

La seconde politique, menée par la banque centrale, consiste à jouer sur les taux d’intérêt. En abaissant les taux, la banque centrale stimule le crédit et l’investissement ; en les augmentant, elle cherche à éviter la surchauffe et l’inflation. Dans la zone euro, la Banque centrale européenne a maintenu pendant plusieurs années une politique dite « accommodante » afin de soutenir la croissance et l’emploi. Cependant, depuis 2022, la remontée des taux pour lutter contre l’inflation a ralenti la demande, et plusieurs économistes craignent un retour du chômage conjoncturel si la croissance reste trop faible.

 

V. Les limites de la relance et les risques de déséquilibre

Si les politiques de relance peuvent réduire le chômage conjoncturel, elles ne sont pas sans risques. Une relance excessive peut provoquer de l’inflation, une hausse de la dette publique et, à terme, des déséquilibres financiers. De plus, ces politiques sont moins efficaces lorsque l’économie souffre de rigidités structurelles : si les entreprises peinent à embaucher faute de main-d’œuvre qualifiée, la relance se traduit davantage par une hausse des prix que par une création d’emplois.

C’est pourquoi les économistes distinguent bien le chômage conjoncturel, sur lequel les politiques macroéconomiques peuvent agir à court terme, du chômage structurel, qui exige des réformes de long terme. Les deux formes de chômage se superposent souvent : une crise conjoncturelle peut aggraver les déséquilibres structurels si elle détruit durablement des compétences ou des emplois. L’efficacité des politiques publiques repose alors sur leur capacité à coordonner ces deux dimensions.

 

Le chômage conjoncturel résulte des fluctuations de l’activité économique. En période de ralentissement, la baisse de la demande entraîne une réduction de la production et de l’emploi, tandis qu’une reprise de la croissance favorise la création d’emplois. Ce lien direct entre PIB et chômage, mis en évidence par la loi d’Okun, explique pourquoi les politiques budgétaires et monétaires jouent un rôle essentiel dans la stabilisation de l’économie. Cependant, leurs effets sont souvent temporaires et différés : lorsque les fluctuations deviennent trop fortes ou trop fréquentes, elles peuvent transformer un chômage temporaire en chômage durable. L’enjeu pour les gouvernements est donc de soutenir l’activité sans compromettre la stabilité à long terme, en articulant relance conjoncturelle et réformes structurelles.